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Licence Creative Commons Reconnaître les compétences - partie 2

19 mars 2013
Durée : 01:24:08
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Fabienne Maillard
Sociologue de la formation et de la certification, Fabienne Maillard est depuis 2008 professeur de sciences de l’éducation à l’Université d’Amiens et chercheur au Centre universitaire de recherches sur l’action publique et le politique (CURAPP). Elle est également membre du conseil scientifique du Centre de recherche sur les qualifications (Céreq). Auparavant, elle a été pendant 17 ans responsable d’un programme d’études et de recherches au ministère de l’Education nationale. Lié à l’activité des Commissions professionnelles consultatives, instances paritaires chargées de créer, rénover et supprimer les diplômes technologiques et professionnels, ce programme portait sur la prospective des emplois, les diplômes professionnels et sur les relations formation-emploi.
Spécialiste de la voie professionnelle, des diplômes et certifications professionnels et de leurs modes d’usage par les entreprises, elle a récemment dirigé trois ouvrages sur ces sujets

Contenu de l'intervention
Après être resté pendant longtemps un bien rare et précieux, le diplôme a pris au fil des trente dernières années une importance croissante dans notre organisation sociale. Alors que jusqu’à la fin des « trente glorieuses » (1945-1975) la possession d’un diplôme n’était pas indispensable pour accéder à l’emploi, elle est progressivement devenue une nécessité. Les jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme sont  désormais déclarés « non qualifiés » par le ministère de l’Éducation nationale, comme s’ils étaient dépourvus de savoirs et de compétences. Ainsi, en quelques années, l’absence de diplôme est devenue un signal négatif, un Bref du Céreq de mars 2011 l’assimilant même à « un handicap pour les jeunes face à la crise ». Ce phénomène n’épargne pas les adultes, qui se voient également touchés par cet étiquetage péjoratif, quels que soient la durée et le contenu de leur expérience professionnelle.
Officiellement, cette montée en puissance du diplôme répond à plusieurs exigences : celles des entreprises, soucieuses de disposer d’informations fiables et précises sur les compétences des individus qu’elles recrutent ; celles des emplois, dont le niveau de qualification s’est considérablement accru sous l’effet de la tertiarisation et des nouvelles technologies de l’information et de la communication ; celles des individus, en quête de protections contre le chômage et la précarité et de moyens pour faire carrière. Pour répondre à ce qui est souvent considéré comme « une demande sociale », les gouvernements qui se succèdent depuis les années 1980 se sont engagés dans un mouvement continu de hausse du niveau d’éducation et dans une politique de massification de l’accès à un diplôme. Dans la mesure où les statistiques sur l’emploi montrent que les diplômés, jeunes et moins jeunes, sont plus épargnés que les autres par le chômage et la précarité, les politiques publiques s’affairent à conduire le plus grand nombre possible d’individus à un parchemin attestant de leur « employabilité ». Ce parchemin peut être un diplôme, un titre ou un certificat, forcément « professionnel » et si possible labellisé par l’État.
D’importantes décisions manifestent cet effort  de généralisation de l’accès au diplôme : la création des certificats de qualification professionnelle (CQP) en 1986 ; l’institution de la validation des acquis professionnels en 1992 puis celle de l’expérience  (VAE) en 2002 ; l’incitation à créer de nouvelles formes certificatives en 2002. Parallèlement, le ministère de l’Éducation nationale s’est donné pour objectif de mener non seulement 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat mais aussi 100 % d’une génération à au moins un diplôme du niveau V (loi d’orientation sur l’école de 1989), avant de promettre de conduire 50 % d’une génération à la licence au moins. Des réformes considérables ont donc eu lieu, même si leurs résultats sont généralement jugés insuffisants. Une part encore importante des jeunes sortent en effet chaque année du système éducatif sans diplôme (53 000 environ chaque année), la VAE n’atteint pas les chiffres escomptés et le chômage, comme la précarité, restent des phénomènes durables. Le niveau d’éducation et le nombre des diplômés en France n’ont pourtant jamais été aussi élevés, sachant que la moitié d’une génération accède aujourd’hui à l’enseignement supérieur. Quant aux diplômes, ils sont désormais presque tous « professionnels » et donc systématiquement arrimés à des compétences présentées sous la forme de listes ; ils sont en outre construits avec les partenaires sociaux et préparés avec le recours à maints professionnels. La professionnalisation des formations et des diplômes a atteint tous les segments d’enseignement et de formation, au point qu’en dehors du diplôme national du brevet et du baccalauréat général, il n’existe plus aucun diplôme sans finalité professionnelle explicite.
Comment expliquer alors le décalage entre les politiques menées, sur un mode souvent très volontariste, et leurs effets sur le marché du travail ? Comment les entreprises envisagent-elles en pratique, la multiplication des diplômes et des diplômés ? Autrement dit, qu’observe-t-on dans le système d’emploi ? Le diplôme à vocation professionnelle est-il devenu l’instrument de sécurisation des parcours que promeuvent les pouvoirs publics et les partenaires sociaux ?
Ce sont ces questions qu’abordera cette conférence.

 Informations

  • Ajouté par : Vincent Bellais
  • Contributeur(s) :
    • Fabienne Maillard (contributeur)
  • Mis à jour le : 19 mars 2013 00:00
  • Type : Colloques et Conférences
  • Langue principale : Français
  • Discipline(s) :