Défiler vers le haut

Licence Creative Commons [Séminaire ATILF] Samantha Ruvoletto : Littéracie et acquisition de la langue française après 5 ans : comment apprendre à écrire peut contribuer à la segmentation en mots

23 février 2018
Durée : 01:20:52
Nombre de vues 168
Nombre d’ajouts dans une liste de lecture 1
Nombre de favoris 0

Pendant l’acquisition, l’enfant francophone reçoit comme input une langue orale où les frontières entre les mots sont masquées à cause des deux phénomènes de resyllabation très communs : la liaison catégorique entre déterminant (mot1) et nom (mot2) comme dans la séquence les ([le]) + ours [zu?s] => les[z]ours [lezu?s]) ; l’enchaînement entre déterminant (mot1) et nom (mot2) comme dans une[yn]+araignée[a.??.?e] => une[n]araignée [y.na.??.?e]). Ces phénomènes causent un non-alignement entre les frontières lexicales et syllabiques à l’oral (Coté, 2005). Ce non-alignement est à l’origine de l’apparition de mauvaises segmentations dans les productions des enfants à partir de l’âge de 2 ans, classifiées sous les noms de « remplacements » ou « consonnes erronées » (ex. de(s)[n]éléphants [de.ne.le.f?~] pour des[z]éléphants [de.ze.le.f?~]) et de « omissions » ou « non-réalisations » (u(n)[Ø]avion [?~.a.vj?~] pour un[n]avion [?.na.vj?~]). Les études développementales (longitudinales ou transversales) observent une diminution des erreurs de « remplacements » à partir de 5 ans (Chevrot et al., 2013; Dugua et al., 2006; Nardy, 2008; Wauquier, 2009) mais une stabilité des erreurs de « non-réalisations » après cette âge (Chevrot et al., 2013). Deux explications ont été proposées pour rendre compte de ce pattern développemental : une explication lexicale-constructionniste (Chevrot et al., 2013) et une explication phonologique autosegmentale (Wauquier, 2009). Les deux explications s’accordent sur la description des premiers stades d’acquisition des séquences resyllabifiées et soulignent le rôle de la fréquence dans l’acquisition des frontières des mots : plus la combinaison de mot1+mot2 est fréquente dans le lexique de l’enfant, plus les frontières de ces deux mots seront claires et bien acquis et par conséquence les phénomènes de resyllabation seront produits sans aucune difficulté. Malgré cette explication, après 5 ans, les erreurs de non-réalisation subsistent et des recherches très récentes (Chevrot et al., en publication) montrent que l’acquisition des phénomènes de resyllabation et surtout de la liaison n’est plus influencée par la fréquence. Nous pouvons donc penser qu’après cet âge des autres facteurs entrent en jeu permettant l’acquisition et la maitrise de ces phénomènes. À partir de 5 ans, en France, les enfants commencent l’enseignement explicite de la langue écrite. Si dans la langue orale, les phénomènes de resyllabation causent un non-alignement entre les frontières syllabiques et les frontières lexicales, dans la langue écrite, les frontières lexicales sont délimitées par des marques graphiques comme l’espace blanc (<les ours>, <une ambulance>). Au moyen d’une étude longitudinale conduite sur 43 enfants francophones à partir du CP (6;3) jusqu’au CE1 (7;6), nous montrons que l’apprentissage de l’écriture et de la lecture, dénommés literacy, aide les enfants à fixer les formes lexicales et à mieux produire à l’oral. Les résultats montrent également que cette variable influence aussi le traitement cognitif des séquences resyllabifiées.

Bibliographie

Chevrot, J.-P., Siccardi, A., Parisse, C., & Spinelli, E (in publish). Multiword sequences and phonological variants in the lexicon: What can we learn from the acquisition of prenominal liaison in French?

Chevrot, J.-P., Dugua, C., Harnois-Delpiano, M., Siccardi, A., & Spinelli, E. (2013). Liaison acquisition: debates, critical issues, future research. Language Sciences, 39, 83-94.

Coté, M-H. (2005). Le statut lexical des consonnes de liaison, Langages, 158, 66-78.

Dugua, C., Chevrot, J.-P. & Fayol, M. (2006). Liaison, segmentation des mots et schémas syntaxiques entre 2 et 6 ans : un scénario développemental, Entretiens de Bichat : Orthophonie, 230-244.

Nardy, A. (2008). Acquisition des variables sociolinguistiques entre 2 et 6 ans : facteurs sociologiques et influences des interactions au sein du réseau social (Thèse de doctorat). Université Stendhal – Grenoble 3, Grenoble.

Wauquier, S. (2009). Acquisition de la liaison en L1 et L2 : stratégies phonologiques ou lexicales ? Aile, Lia 2, 93-130.

Mots clés : atilf

 Informations